- MONOXYDE D’AZOTE ET PHYSIOLOGIE CELLULAIRE
- MONOXYDE D’AZOTE ET PHYSIOLOGIE CELLULAIREMonoxyde d’azote: un nouveau médiateur cellulaireL’identification du monoxyde d’azote (NO) comme médiateur cellulaire chez les mammifères a été réalisée à la fin des années 1980, et ce dans trois systèmes indépendants. Dans le vaisseau sanguin, NO provient de la couche unicellulaire appelée endothélium, qui tapisse la lumière du vaisseau et agit sur les cellules musculaires lisses contenues dans la paroi de celui-ci. Chez le rat, le NO issu des macrophages (catégorie de globules blancs qui participent au système immunitaire et à l’inflammation) activés intervient en tant qu’agent cytotoxique vis-à-vis des cellules tumorales ou infectieuses voisines. Enfin, dans le système nerveux, le NO sécrété par certaines classes de neurones est un effecteur biologique modulant le métabolisme des cellules environnantes.NO et système cardiovasculaireNO, médiateur endogène . L’endothélium qui sépare le sang de la paroi vasculaire riche en cellules musculaires possède une activité biochimique intense. La biosynthèse de NO y est modulée par toutes sortes de substances circulantes, notamment la bradykinine, mais aussi l’endothéline provenant de l’endothélium lui-même, des facteurs sécrétés par les plaquettes tels l’adénosine, l’ATP, la sérotonine, des neuromédiateurs comme l’adrénaline, la substance P et, enfin, certaines hormones. Reconnues à la surface de l’endothélium par leurs récepteurs, elles déclenchent l’entrée d’ions calcium, ce qui permet l’association calmoduline-Ca++ et NO-synthase de type I (NOS-cal, Ca++). L’endothélium sécrète alors NO, qui diffuse jusqu’aux cellules musculaires lisses où il active la guanylate cyclase (GC) intracellulaire et y déclenche une cascade de réactions biochimiques: le triphosphate de guanosyle TPG devient du monophosphate de guanosyle cyclique MPGc, médiateur de l’élongation des protéines contractiles musculaires. Le NO ainsi formé peut être piégé dans le milieu intercellulaire par l’oxygène, l’anion superoxyde et l’hémoglobine. Sa durée de vie a pu être appréciée comme étant de l’ordre de quelques secondes. Salvador Moncada et ses collaborateurs l’ont identifié en 1986 par des méthodes chimiques de chimioluminescence et de spectrométrie des gaz.La transformation de la L-arginine en NO est aussi exaltée par une augmentation de la température, par l’hypoxie et par des forces de cisaillement qui interviennent sur l’endothélium. Des modifications de la pression partielle d’oxygène ou des variations du flux sanguin interviennent sur l’activité de l’enzyme, ce qui rend compte du phénomène, jusqu’alors inexpliqué, de la dilatation des artères lorsque le débit sanguin augmente.NO, inhibiteur de l’agrégation plaquettaire . Il apparaît une étroite dépendance entre l’endothélium et les plaquettes sanguines, agents de la coagulation. En effet, celles-ci synthétisent NO, qui, à son tour, empêche leur agrégation et leur adhérence sur l’endothélium. Quand les plaquettes s’associent au cours de la coagulation, la thrombine et les sécrétions plaquettaires comme la sérotonine et l’ATP vont immédiatement provoquer une synthèse de NO à partir de l’endothélium sain. Ces mécanismes de rétroaction maintiennent les plaquettes en suspension dans le sang et participent à la résorption du caillot.Circulation et élimination du NO . Ainsi, un taux basal de NO est libéré dans le sang par l’endothélium, les plaquettes et, éventuellement, les tissus musculaires de la paroi vasculaire (voire les effets des NO-synthases inductibles). NO est stocké après liaison à l’albumine sanguine; il est ainsi protégé de l’oxydation. L’albumine nitrosylée est le réservoir du NO circulant, car elle libère spontanément et lentement du NO, ou l’échange avec d’autres molécules contenant des thiols, comme la cystéine et le glutathion. La concentration basale de NO libre est estimée de l’ordre de quelques nanomoles par litre. En effet, s’il est continuellement sécrété, il est aussi éliminé dans l’air exhalé et dans le sang, par oxydation en présence d’oxygène et par réaction avec l’hémoglobine pour donner du nitrate. Les globules rouges jouent un rôle prépondérant dans la régulation de la quantité de NO présente dans le sang. En effet, l’hémoglobine a une affinité très forte pour ce radical qui réagit avec le fer de l’hème comme indiqué ci-dessus. Cette association subit des réarrangements par transfert électronique et conduit à la formation de méthémoglobine et de nitrate. Le nitrate inerte sera éliminé par le rein. Le taux de nitrate urinaire est un indice de la production endogène du monoxyde d’azote. Au contraire, la méthémoglobine est rarement détectée, sauf dans des situations pathologiques graves. Elle est réduite rapidement par une réductase spécifique très efficace présente dans le globule rouge.Il existe des situations pathologiques d’hypertension qui seraient dues à une déficience du fonctionnement de la NO-synthase constitutive.Cas des processus d’infection ou d’inflammationLe macrophage murin, cellule issue de la lignée blanche, aisément cultivé en laboratoire, se trouve dans un état quiescent jusqu’à ce qu’une infection ou le contact avec un extrait de paroi bactérienne (endotoxine) et/ou des cytokines manifestant un état inflammatoire ou allergique modifie complètement son métabolisme qui aboutit à l’état activé. Au cours de cette activation, qui demande plusieurs heures, une NO-synthase est synthétisée: elle est donc ici inductible. En présence de la L-arginine, il se forme, dans le milieu, des nitrites et nitrates qui révèlent une forte production de NO, de l’ordre de la nanomole par litre et par heure.Les processus d’induction diffèrent suivant les espèces. En particulier, l’induction de la NO-synthase dans le monocyte humain semble plus complexe que chez les rongeurs. D’une façon générale, l’extrait de paroi d’E. Coli suffit à induire l’enzyme chez les rongeurs, alors qu’il est nécessaire d’y ajouter séquentiellement d’autres facteurs pour que le même effet ait lieu chez l’homme.NO, facteur cytotoxique . Le macrophage activé est alors cytotoxique envers toutes les cellules avec lesquelles il peut entrer en contact. Les techniques de détection de NO ont montré que celui-ci, provenant du macrophage activé, se retrouvait bien dans les cellules environnantes. Ces cellules cibles cessent de respirer et de se multiplier. Cela s’explique par l’inhibition d’enzymes qui interviennent dans la glycolyse, des complexes enzymatiques de la respiration mitochondriale (la NADPH: ubiquinone; et la succinate: ubiquinone oxydoréductase) et de la ribonucléotide réductase, dont l’activité est indispensable à la synthèse de l’ADN. Bien que les mécanismes moléculaires d’inhibition par NO ne soient pas encore complètement compris, toutes ces enzymes comportent des atomes de soufre ou/et de fer susceptibles de fixer le radical NO: thiols libres, fer lié au soufre (cluster fer-soufre), fer lié à l’hème (comme indiqué ci-dessus).Localisation de la NO-synthase II . In vivo, le traitement par l’endotoxine d’E. Coli est relayé par la production de multiples médiateurs et cytokines tels le TNF 見, des interleukines et l’interféron 塚. Le TNF 見, l’interféron 塚 et l’interleukine 1 sont capables d’induire l’expression du gène de la NO-synthase II, alors que les interleukines 8 et 10, ainsi que des corticostéroïdes inhibent l’induction. Ce type d’enzyme apparaît non seulement dans les cellules de la lignée blanche, mais aussi, chez les rongeurs et chez l’homme, dans les muscles lisses, les tissus hépatiques, les astrocytes dans le cerveau, les cellules endothéliales des microvaisseaux et les îlots de Langerhans chez certains diabétiques. Il faut aussi noter la possibilité d’induire la NO-synthase dans les cellules tumorales elles-mêmes.NO dans le système nerveuxAprès que la transformation enzymatique de la L-arginine en NO eut été découverte conjointement dans le système vasculaire et dans le macrophage murin activé, Garthwaite montrait qu’un vaisseau stimulé par la bradykinine excitait les neurones en culture pourvu qu’ils disposent de la L-arginine. Il démontrait ainsi que NO pouvait intervenir aussi dans le système nerveux.Dans le cerveau, où sont étroitement imbriqués les neurones, les astrocytes et les capillaires sanguins apportant glucose et oxygène aux tissus, ce nouveau neuromédiateur a des propriétés bien particulières. D’abord mis en évidence dans les neurones soumis à l’action excitatrice du glutamate, la NO-synthase neuronale III a été localisée dans des populations cellulaires bien précises. En outre, elle côtoie la NO-synthase I présente à la fois dans certains neurones et dans l’endothélium vasculaire.NO intervient dans les limites d’une sphère de diffusion où, en même temps, il peut participer au passage de l’influx nerveux, moduler le métabolisme de l’extrémité neuronale présynaptique et favoriser la circulation sanguine. Ces effets multiples rendent compte de la corrélation bien connue entre l’activité cérébrale et l’irrigation sanguine, et en font un candidat comme agent inducteur des processus d’apprentissage et de mémorisation dans les modèles théoriques.Rôle dans l’influx nerveux. En effet, la fonction neuronale essentielle, le passage de l’influx nerveux, se fait par des mouvements d’ions et de neuromédiateurs dans l’espace synaptique, là où deux neurones se rencontrent. Le processus se déroule du neurone présynaptique vers le neurone postsynaptique. Par exemple, certains acides aminés comme le glutamate (glu) sont synthétisés dans la cellule présynaptique et stockés dans des vésicules. Lorsqu’ils sont libérés dans l’espace synaptique, ils sont reconnus par le neurone postsynaptique grâce à des récepteurs membranaires spécifiques associés à un canal calcique. Comme dans le vaisseau sanguin, les ions calcium fixés à la calmoduline associée à la NO-synthase (NOS-cal, Ca++) permettent la synthèse de NO provenant de la L-arginine. Le glutamate déclenche ainsi la biosynthèse de NO en moins d’une seconde. Par effet de diffusion, NO agira en activant la guanylate GC cyclase des cellules environnantes. Le monophosphate cyclique de guanosyle MPGc qui en résulte suivant le type cellulaire aura une action régulatrice soit sur le taux intracellulaire des ions calcium, soit sur la libération de neuromédiateurs, soit sur l’activité de kinases.Rôle dans la sécrétion de neuromédiateurs. L’activation de la guanylate cyclase contenue dans les cellules adjacentes aux neurones producteurs module la libération d’hormones ou de neuromédiateurs.Ainsi, NO provoque la sécrétion de la dopamine du striatum, de l’aspartate du cervelet, de l’acétylcholine du cerveau antérieur. Ces mêmes mécanismes de transduction du signal vers la cellule voisine ont été constatés dans la thyroïde et la glande surrénale pour la sécrétion de la noradrénaline.Rôle dans la transmission nerveuse aux plaques motrices. C’est grâce à leur NO-synthase que les fibres nerveuses nommées non adrénergiques non cholinergiques, parce qu’on n’avait pas identifié leur neuromédiateur, commandent la relaxation des muscles lisses du tractus intestinal, des sphincters, du pylore, ainsi que ceux du pénis, de la trachée et de l’urètre. La transduction du signal passe toujours par l’activation de la guanylate cyclase musculaire.De façon similaire, la voie “L-arginine-NO-monophosphate de guanosyle cyclique” est présente dans l’utérus, où elle régule la relaxation du muscle lisse durant la grossesse, contribue au maintien de la quiescence de l’utérus quand le niveau de progestérone est élevé. Au moment de l’accouchement, les concentrations de NO et de monophosphate cyclique de guanosyle chutent considérablement.Les terminaisons nerveuses parasympathiques qui contiennent la NO-synthase régulent le flux sanguin par sécrétion de NO au niveau de l’adventis de certains gros vaisseaux, des artères cérébrales et rétiniennes.Dans le rein, la microcirculation glomérulaire et médullaire est régulée par le NO endogène; elle intervient dans la diurèse et la filtration glomérulaire. Les techniques d’immunohistochimie ont permis de détecter la présence de la NO-synthase neuronale dans la Macula densa .Dans ces cas, il est possible que d’autres facteurs non identifiés agissent en synergie avec NO.Rôle dans la plasticité synaptique . En agissant sur le neurone présynaptique en améliorant l’irrigation sanguine et en favorisant la sécrétion de glutamate, NO joue un rôle de messager rétrograde. Par exemple, il provoque la libération de glutamate. Ce même glutamate induit une synthèse de NO. Ces réactions en chaîne s’amplifient et augmentent l’intensité et la durée des échanges de neuromédiateurs et d’ions au niveau de l’espace intersynaptique. Des modèles expérimentaux montrent un renforcement de ce lien fonctionnel par l’intervention de NO, après stimulation: c’est la potentialisation à long terme. D’autres modèles, au contraire, voient leur efficacité s’estomper sous l’effet de la stimulation: c’est la dépression à long terme mise en évidence dans le cervelet. Les inhibiteurs de NO-synthases bloquent ces différents effets où NO jouerait un rôle positif ou négatif, selon la constitution de la synapse. Ces modèles sont à la base des hypothèses des processus de mémorisation et d’apprentissage.Des expériences réalisées sur des animaux traités par des inhibiteurs de NO-synthases soutiennent l’intervention de l’oxydation de la L-arginine en NO, dans certains processus d’acquisition de mémoire.La connaissance de ces processus fondamentaux conduira certainement à des applications thérapeutiques. Cependant, les praticiens se trouvent encore démunis d’inhibiteurs sélectifs d’une NO-synthase dans un tissu donné ainsi que de donneurs de NO spécifiques d’un système cellulaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.